samedi 28 juillet 2012

Commentaires des versets relatifs au jeûne du mois de ramadan (suite) - Ibn'Arabi

... Notre  Maître Abû Madyan - qu'Allâh lui fasse miséricorde ! - disait à propos de ce verset : "quand tu en auras terminé avec les créatures, fixe (ou établis) ton cœur dans la contemplation du Tout-Miséricordieux et dirige-toi ardemment vers ton Seigneur pour toujours; c'est à dire, quand tu entres dans une oeuvre d'adoration, n'entretiens pas ton âme du moment d'en sortir en disant : " Ah ! Si seulement elle pouvait être déjà terminée ! "
"... et achevez le nombre (prescrit)..." : par la vision du croissant ou l'achèvement des trente jours; "... et magnifiez Allâh..." : témoignez de Sa Grandeur et qu'elle Lui appartient à Lui Seul; ne la Lui disputez pas, car elle ne convient qu'à Lui - gloire à Sa Transcendance ! Magnifiez-Le par rapport à toute qualification de facilité ou de difficulté, car Il a dit à propos du renouvellement (coran 30. 27) "et cela Lui est très facile".
Il sait parfaitement ce qu'Il dit; prends garde à tes interprétations car tu aurais en à en répondre : magnifie-Le par rapport à ces dernières ! "... pour vous avoir guidés...", c'est à dire vous avoir donné la réussite dans l'accomplissement de Ses prescriptions et vous avoir montré clairement votre part de ce qui Lui revient - qu'Il soit exalté ! "... peut-être serez-vous reconnaissant..." : Il a fait de tout cela une grâce dont nous devons Le remercier; nous pouvons en effet toujours recevoir davantage, ce qui est la preuve la plus évidente de notre état de "manque". La reconnaissance est un Attribut Divin car "Allâh est Reconnaissant, Savant" (cor.4,147). Par cet Attribut, par le fait qu'Il est Lui-même Reconnaissant, Il nous demande toujours davantage; Il a dit en effet : "Et si vous êtes reconnaissants, Je vous donnerai un surcroît" (cor.14, 7); Il nous a indiqué ainsi ce que nous assure la reconnaissance, afin nous accroissions nous-même nos œuvres !

"... Et si Mes serviteurs t'interrogent à Mon sujet...", du fait que tu (il s'agit du prophète) es le "gardien de la porte", "... en vérité, Je suis Proche..." en ce que Nous avons de commun avec eux : la reconnaissance et le jeûne qui "M'appartient". Nous leur avons ordonné de jeûner tout en leur faisant savoir que c'est à Nous, et non à eux, qu'il appartient.

Celui qui s'en revêt une chose qui Nous est propre et fait partie des Gens de l'Election, tout comme "les Gens du Coran sont les Gens d'Allâh et Son Elite", "... Je réponds à l'appel de celui qui appelle..." selon une vision subite "... Lorsqu’Il M'appelle...", c'est à dire : de même que Nous t'avons fait appeler les hommes "à Allâh selon une vision subtile" (allusion au cor.12,108), de même Nous donnons à celui qui Nous appelle à lui une vision subtile du fait que Nous lui répondons, du moins tant qu'il ne dit pas : "Il ne me répond pas !";  "...qu'ils répondent à Mon appel...", c'est à dire quand Je les appelle à Mon obéissance et à Mon adoration, car "Je n'ai créé les jinns et les hommes que pour qu’ils M'adorent" (cor.51, 56); Je les convoque par la bouche de Mes envoyés ainsi que dans les livres révélés avec lesquels Je les ai envoyé vers eux.
(Allâh) a renforcé le terme istijâba par le sîn car Il connaissait notre refus et notre répugnance à Lui répondre; "...pour Moi (ly)...", c'est à dire : à cause de Moi (seul); ne faites pas cela dans l'espoir d'obtenir ce qui est auprès de Moi (cor.15,21), car vous seriez alors les serviteurs de Ma Grâce, non Mes serviteurs à Moi. Ils  sont en effet Mes serviteurs "bon gré mal gré" (cor.13, 15); ils ne peuvent se sortir de là ! "... et qu'ils croient en Moi..." : qu'ils aient foi en la réponse que Je leur donne quand ils M'appellent; qu'ils aient foi en Moi, non en eux-mêmes. Celui qui a foi  en lui même et non en Allâh, sa foi ne comporte pas ce qui Me revient; au contraire, si c'est en Moi qu'il croit, il fait parfaitement ce qu'il doit et donne à toutes choses son droit : c'est celui qui a foi dans les données traditionnelles dans leur ensemble, alors que celui qui a foi en lui-même croit uniquement dans les preuves dont il dispose.


Ce en quoi J'ordonne d'avoir foi contredit les preuves rationnelles et oscille entre l'analogie et la transcendance. Celui qui a foi en lui même croit en certaines choses et non en d'autres; il ne les repousse pas mais les interprète. Celui qui interprète a foi en sa raison et non en Moi. Celui qui prétend dans son for intérieur être plus savant que Moi-même à Mon propre sujet ne Me connaît pas et ne croit pas en Moi; c'est un serviteur qui Me déclare menteur dans ce que Je Me suis attribué à Moi-même, et que J'ai exprimé de la meilleure manière. Lorsqu'on l'interpelle, il répond : j'ai voulu respecter la transcendance. En réalité, son attitude procède de la ruse de l'âme, de la conscience qu'elle a de sa propre valeur, de sa volonté d'indépendance, de son refus de se conformer.
"...peut-être seront-ils bien dirigés...", c'est à dire : suivront-ils le bon chemin (rushd) comme le font ceux qui réussissent, ceux qui le suivent dès qu'ils l'aperçoivent. (DIEU) les conduit ainsi à la félicité éternelle : elle est la réponse de DIEU lorsqu'ils L'appellent, ainsi que le terme de leur route qui réjouit leurs âmes en leur rendant permis ce qui leur avait été interdit durant le jeûne, depuis le début du jour jusqu'à sa fin.

Il a dit ensuite : "... Il vous a permis, la nuit du jeûne...", c'est à dire la nuit à laquelle aboutit votre jeûne, non celle au matin de laquelle vous êtes en état de jeûne, car il s'agit là d'une particularité qui vous accompagne jusqu'à la nuit de la Fête et de la Rupture du jeûne ('îd al-Fitr). Si la "nuit du jeûne" évoquée dans ce verset se rapportait au jour suivant, elle ne concernerait pas la nuit de la Fête puisqu'au matin du jour qui suit vous ne jeûnez pas et que, si vous jeûniez, vous seriez désobéissants. En revanche, cette particularité n'a pas de sens pour la première nuit de Ramadan puisque la nourriture et les autres choses interdites (durant le jeûne) demeurent permises et qu'il n'y a donc là aucun changement de statut : c'est pourquoi, nous attribuons la nuit dont il s'agit au jour qui précède; "... ar-rafatha...", c'est à dire l'union sexuelle (jimâ') "... avec vos femmes...", Il a employé le terme nisâ' - Il n'a pas dit : "vos épouses" ou quelque d'approchant - car ce terme contient une idée de "retardement" : en effet, la possibilité de l'union sexuelle a été "retardée" pendant le temps du jeûne jusqu'à la nuit; quand celle-ci vient, l'interdit prend fin. C'est donc comme s'Il disait : "jusqu'à ce (que devienne possible ce) qui a été retardé pour vous et pour elles", qu'il s'agisse de vos épouses ou de vos concubines, du moins de celles avec lesquelles l'union sexuelle est permise; "... elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles...", c'est à dire qu'il y' a entre vous une corrélation véritable, ce qui n'est pas le cas pour ce dont Nous vous avons revêtus dans votre jeûne quand vous vous êtes qualifiés au moyen d'un attribut qui " M'appartient" et qui est le jeûne.

Vous n'êtes pas un vêtement pour Moi dans Ma parole : le coeur de Mon serviteur Me contient" et Je ne suis pas un vêtement pour vous dans Ma parole : Allâh "entoure toute chose" (cor.41, 45) car le vêtement entoure ce qu'il couvre et le cache. "... Allâh savait que vous vous étiez fait du tort à vous mêmes..." à cause du témoignage que J'ai pu porter contre vous du fait que vous accepté le "Dépôt de Confiance" quand Je vous l'ai proposé; J'avais dit alors de celui qui l'avait accepté (cor.33, 72) : " En vérité, il est très injuste et très ignorant" : "très injuste" à l'égard de son âme car il a mis à sa charge une chose dont il ignorait, au moment de son acceptation, ce que comportait la science d'Allâh qui lui correspondait; et "très ignorant" de la valeur réelle de ce Dépôt et du blâme qu'encourrait celui qui le trahirait. Comme le "très ignorant" est aveugle, qu'il ne sait trouver sa route, ni où ni comment poser le pied, il a dit : "Allâh savait que vous vous étiez fait du tort à vous-même" du fait des prohibitions dont vous étiez devenus l'objet; "... Il vous a cependant rendu Sa Grâce...", c'est à dire qu'Il est revenu vers vous; "... Il vous a exempté...", c'est à dire par le peu qu'Il vous a rendu licite durant le temps de la rupture de l'interdit, qui est la nuit.


Nous disons "le peu" puisque l'interdiction des relations sexuelles subsiste sans conteste pour celui qui fait retraite dans une mosquée - ailleurs les avis sont partagés - et aussi pour celui qui pratique le jeûne continu (al-muwâsil); "... à présent, approchez-vous donc d'elles...", c'est à dire durant le temps du Ramadan où le jeûne est rompu (c'est à dire la nuit), "... et aspirez à ce qu'Allâh vous a prescrit..." : recherchez ce qu'Allâh vous a enjoint par égard pour vous, prenez connaissance de tout ce qu'Il a mentionné dans ce verset et oeuvrez en conséquence; "... mangez et buvez..." : Il t'ordonne de donner à ton âme le droit qui lui revient, et qui est à ta charge, pour ce qui concerne le manger et le boire "...jusqu'à ce que devienne évidente pour vous (la distinction) du fil blanc..." qui est la venue du jour "... et du fil noir..." qui est le recul de la nuit "...par (l'apparition) de l'aube..." : l'irruption de la clarté à l'horizon.

"... Ensuite,  achevez complètement le jeûne jusqu'à la nuit. Et n'approchez pas de vos femmes alors que vous faites retraite dans les mosquées..." : l'interdiction de l'union sexuelle subsiste en ce cas; de même celle qui concerne le manger et le boire dans le cas de celui qui désire pratiquer le jeûne continu (wisâl). Il a dit en effet - qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et  Sa Paix ! - : "Que celui qui pratique le jeûne continu le poursuive jusqu'aux premières lueurs de l'aube (sahar), c'est à dire le moment où la clarté et les ténèbres sont mêlées, celui où apparaît la "queue du loup" : entre les deux aubes, celle qui s'élargit à l’horizon et celle qui s'élève. (On rapporte que) l'Envoyé d'Allâh - qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! - a pratiqué avec ses Compagnon un jeûne ininterrompu de deux jours, puis ils virent le croissant. "... Telles sont les limites fixées par Allâh...", celle qu'Il vous a ordonné de respecter; "... ne vous en approchez pas..." : ne regardez pas ce qu'il y' a au-delà ! Il y' a ici une science cachée que connait,  seul, celui qui en a reçu le goût par l'effet d'une sollicitude Divine, comme Khidr et d'autres, car un pied peut glisser après avoir été ferme, et vous en éprouveriez du mal.
"...De cette manière, Allâh expose clairement Ses Signes..." c'est à dire Ses "indicateurs", "... aux hommes...", par des suggestions qui leur servent de rappel, "... peut-être auront-ils la crainte pieuse" : prendront-ils ces indicateurs comme une protection contre le conformisme et l'ignorance; le "conformiste" ne possède, en effet, ni évidence de la part de son Seigneur ni preuve. (Allâh) a donné en outre (à ces derniers mots) un sens d'espoir car celui qui a reçu un "indicateur" ne parvient pas forcément à ce qu'il indique et celui qui a obtenu une science ne réussit pas forcément à oeuvrer en conséquence, dans le cas où il s'agit d'une science dont la finalité est précisément l'action.
source : Textes sur le jeûne (Ibn'Arabi)

mercredi 25 juillet 2012

Commentaire des versets relatifs au jeûne du mois de ramadan (Ibn'Arabi)

Allâh le Nom de DIEU

Ah ! Si l'homme pouvait entrevoir la Station depuis laquelle le Très-Haut le convoque au jeûne Lorsqu’Il dit : " O vous qui croyez..." (coran 2. 183-187), et que c'est Lui seul qui est ainsi convié par cet appel collectif. L'Envoyé d'Allâh - qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! - a dit en effet : "Il y'a une aumône à charge de chacune de vos phalanges"; il a établi par là une astreinte collective dans le chef d'un seul homme. S'il en est ainsi même pour ses veines (et les parties cachées de son corps) a fortiori en sera-t-il ainsi pour ses membres (et ses facultés) extérieurs : son ouïe, sa vue, sa langue, sa main, son ventre, son pied, son organe génital et son cœur  qui sont les principales composantes de son apparence. Tout membre est en réalité convié à un jeûne qui lui est propre et à une abstinence à l'égard de ce qui lui est interdit par Sa parole : "...le jeûne vous a été prescrit...", de sorte qu'il ne peut plus agir à sa guise. Allâh te convoque donc en ta qualité de croyant à partir de la Station de la Sagesse universelle pour que tu t'appliques à faire ce qu'Il demande avec la science de ce qu'Il veut de toi dans cette oeuvre d'adoration (qu'est le jeûne); c'est pourquoi Il dit : "le jeûne vous a été prescrit", c'est à dire l'abstinence de tout ce dont l'accomplissement ou le non-accomplissement vous a été interdit "... comme il a été prescrit à ceux qui étaient avant vous...", c'est à dire le jeûne comme tel, bien qu'il puisse s'agir aussi du jeûne du Ramadan proprement dit, comme le croient certains, compte tenu du fait que "ceux qui étaient avant vous" d'entre les Gens du Livre (juifs & chrétiens ) en ont augmenté la durée jusqu'à l'étendre à cinquante jours : c'est là une des choses qu'ils ont altérées. "Comme il a été prescrit", c'est à dire rendu obligatoire, "à ceux qui étaient avant vous" : ceux qui vous ont précédé dans ce statut (de jeûneurs), alors que vous êtes venus après eux. "...peut-être aurez-vous la crainte pieuse...", c'est à dire prendrez-vous le jeûne comme une protection; en effet, le prophète - sur lui la Grâce et la Paix ! - nous a appris que "le jeûne est un bouclier": c'est là la protection dont il est question dans ce verset. Vous ne le prenez comme protection que si vous en faites une oeuvre d'adoration; le jeûne appartient à DIEU par sa transcendance mais, en tant qu'oeuvre d'adoration, il est pour le serviteur un bouclier et une protection qui l'empêche d'émettre la moindre prétention à l'égard de ce qui appartient à Allâh et non à lui même : n'ayant pas de semblable, le jeûne appartient à Celui "qui n'a pas de semblable"; c'est à Allâh, et non à toi-même, que le jeûne appartient.


Il a dit ensuite : "...des jours comptés..."; "jours" vise sans aucun doute la première mention du terme kutiba ("a été prescrit") car nous ignorons ce qui a été prescrit à ceux qui étaient avant nous : leur a-t-il été prescrit un seul jour - c'est le cas de Ashûrâ - ou plusieurs (ayyâm) ? Ce qui nous a été prescrit à nous, c'est le jeûne d'un mois, et le mois ne peut compter que vingt-neuf ou trente jours, d'après le compte découlant de notre vision du croissant (hilâl). Or, (la forme du mot) "al-ayyân" (pluriel de yawn(jour) ), s'applique exclusivement aux nombres de 3 à 10. La lettre du Coran concorde donc parfaitement avec ce que nous a enseigné l'Envoyé d'Allâh - qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! - au sujet du nombre de jours du mois (de Ramadan); il a dit en effet : "le mois est comme ceci...", faisant un geste de la main signifiant "dix jours"; puis il a ajouté : "...et comme ceci...", c'est à dire encore dix jours, "...et comme ceci..." en laissant cette fois un pouce fermé, c'est à dire neuf jours. Si, la seconde fois, il n'a pas fermé son pouce, c'est pour signifier à nouveau dix jours.
En effet, le Très-Haut avait dit "des jours comptés"; le Législateur compta donc les jours du mois par dizaines de manière à ne pas invalider la mention (coranique) des "ayyâm", en conformité avec la Parole d'Allâh le Très-Haut. Il a agi ainsi autrement qu'il l'avait fait avec Aïcha (épouse du prophète) à propos de l'annulation du mariage (al-ilâ); il avait dit alors : "il se peut que le mois soit de vingt-neuf jours", et non "comme ceci et comme ceci" comme il le fit pour le mois de Ramadan. Ceci confirme qu'il a voulu s'exprimer en conformité avec  ce que le Très-Haut avait mentionné dans Son Livre.

Il a dit ensuite : "...Quand à celui d'entre vous est malade ou en voyage, (qu'il jeûne) un nombre d'autres jours (ayyâmin)...". Ici encore, Il a mentionné des "jours", tout en faisant allusion par (les mots) "d'entre vous" à ceux auxquels s'adressaient Son exhortation, c'est à dire ceux qui croient; "malade", c'est à dire empêché par DIEU; "ou en voyage" : ce sont les Gens du cheminement initiatique (sulûk) dans la Voie d'Allâh, les Stations (maqâmât) et les états spirituels (ahwâl). Le terme "safar" a son origine dans l'"isfâr", terme qui contient l'idée de rendre visible, manifeste (zuhûr). Il sert à désigner le voyage parce que celui-ci dévoile le caractère des hommes. C'est que la "Station" et l' "état" dévoilent aux initiés dans ce cheminement, c'est que l'action ne leur appartient pas, bien qu'ils l'accomplissent. Allâh est Lui le seul Agent ('âmil) en eux; c'est Sa Parole : " Tu n'as pas lancé quand tu as lancé, mais Allâh a lancé" (cor.8, 17); "un nombre d'autres jours", c'est à dire dans "le temps voilé" : ils sont "autres" pour que l'astreinte légale puisse trouver un support temporel qui les rende obligatoires. Cette question a été abordée précédemment; tu n'as qu'à te référer à ce que nous avons écrit (futûhât, vol.9, p.185-186).
Il a dit ensuite : "...et, à charge de ceux qui n'ont pas la capacité de jeûner, une compensation : la nourriture d'un pauvre. Celui qui, usant de sa liberté, accomplit un bien, cela un bien pour lui et que vous jeûniez est un bien pour vous : si vous savez !...", c'est à dire : celui qui a la capacité de jeûner, Nous lui avons donné le choix entre le jeûne et la nourriture (d'un pauvre). (Le Très-Haut) est donc , pour ce qui concerne celui qui est soumis à l'astreinte, d'un statut d'obligation déterminée à un statut d'obligation indéterminée, bien que le choix (du serviteur) soit limité. Allâh savait bien comment il se comporterait ! C'est pour cela qu'Il lui a laissé le choix : aucun des deux termes (de l'alternative) n'étant obligatoire par lui-même, celui que  (le serviteur) aura choisi l'aura été en vertu d'un libre choix puisqu'il aurait pu tout aussi bien choisir l'autre.
Cependant Allâh a rendu le jeûne préférable car il Lui appartient, de sorte que (l'homme) réalise l'Attribut de "jeûne" qui, parmi les modes d'adoration, "n'a pas de semblable". Si tu rétorques que le fait de nourrir est également un Attribut Divin car Il est "Celui qui donne la nourriture", nous répondons que cette idée eut été effectivement possible s'Il n'avait joint la faculté de nourrir (un pauvre) à l'idée de compensation en rattachant (grammaticalement, dans le texte coranique) la première à la seconde. (Il s'est donc exprimé) comme si celui qui est soumis à l'astreinte avait l'obligation de jeûner ! Or, tant selon les convenances que selon la réalité véritable, rien n'est obligatoire pour Allâh, à l'exception de ce qu'Il S'est rendu obligatoire à Lui-même :  celui qui est soumis à un statut d'obligation en est, en effet, le prisonnier et demeure sous sa puissance ! 
Ici, la compensation a été précisée : c'est le fait de nourrir. Allâh a donc eu en vue le jeûne et l'a établi comme un bien pour toi car il s'agit d'un Attribut qui lui est propre. Ne vois-tu pas qu'Il a dit aussi : "Et Nous l'avons exonéré au moyen d'une victime sublime" (cor.37, 107) : de l'emprise de la mort. " Si vous saviez" : sans doute la particule in a-t-elle ici un sens de négation; c'est à dire : "vous ne sauriez pas que le jeûne est meilleur que le fait de nourrir si Je ne vous l'avais pas appris". Il se peut aussi que le sens soit : "Si vous cherchez à savoir le meilleur terme du choix que Je vous ai laissé, Je vous l'apprends", c'est à dire les rangs respectifs du jeûne et du fait de nourrir.
Il a dit ensuite : "... Le jeûne de Ramadan...", de ce Nom Divin qui est "Ramadan", mois qu'Il a relié à Allâh le Très-Haut à partir de Son Nom "Ramadan", Nom étrange et singulier; "... dans lequel le Coran a été révélé...", c'est à dire : le Coran, c'est la synthèse. C'est pourquoi Il t'a uni à Lui dans l'attribut de "samadâniyya" qui est le jeûne. Par sa transcendance, celui-ci appartient à Allâh qui a dit : "le jeûne est à Moi"; en revanche, en tant qu'oeuvre d'adoration, c'est à toi qu'il appartient. "Comme une guidance" : c'est à dire un exposé évident; "pour les hommes" : à la mesure de leur capacité et de la compréhension qui leur a été donnée car chacun en possède, dans cette oeuvre d'adoration, une certaine part. "...et des indications évidentes..."; tout être à une évidence qui lui est propre, à la mesure de sa compréhension du discours Divin; "...tirées de la Guidance...", qui est l’Éclaircissement (total : tibyân) Divin (par réf. à cor.16,89), "ainsi que la Discrimination (Furqân)..." : après t'avoir uni à Lui par le "Coran", Il te "discrimine", afin que tu te distingues  de Lui au moyen du "Livre discriminateur", car si tu es "toi, toi", Il est "Lui, Lui" en application de ce qui a été dit, à savoir que tu fais usage d'une chose qui Lui appartient et qui est le jeûne. Celui-ci Lui appartient du point de vue de Sa transcendance alors qu'il est à toi en tant qu'oeuvre qui n'a pas de semblable. Le Seigneur est ainsi distingué du serviteur, après qu'ils ont été associés tous  deux dans le nom de "jeûne".


"... Celui d'entre vous qui a la vision du mois, qu'il jeûne...", c'est à dire : celui d'entre vous qui se trouve avoir une réputation (allusion au fait que la racine du mot shahr évoque avant tout l'idée de "notoriété".) auprès du commun des gens, qu'il jeûne à cet égard; qu'il restreigne son âme dans cette notoriété, qu'il la domine au moyen de l'abaissement et de la dépendance de sorte que sa joie soit  intense au moment de la rupture.
"... Celui qui est malade...", en état de déséquilibre car la maladie est un déséquilibre, ou d'emprisonnement car le malade est un prisonnier de DIEU, "... ou en voyage...", cheminant parmi les Noms Divin pour en connaître le "goût initiatique" (dhawq), ou encore allant de Lui vers les créatures, "... qu'il jeûne un nombre d'autres jours..." : des jours comptés, sans en ajouter et sans en retrancher. "... Allâh veut pour vous la facilité..." en vous exhortant à la douceur dans l'accomplissement de l'astreinte légale "... et Il ne veut pas pour vous la difficulté...", c'est à dire ce qui vous est pénible, confirmant par là cette autre Parole : " Il n'a pas mis de gêne à votre charge dans la religion" (cor.22, 79). En outre, Il a déterminé ici al-yusra au moyen de l'alif et du lâm (cor.94, 5-6), faisant allusion ainsi à la "facilité" mentionnée, cette fois en mode indéterminé, dans la Sourate "N'avons-nous pas ouvert ta poitrine"; C'est à dire : telle est la facilité que Je veux de vous, celle de la Parole : "En vérité, avec la difficulté, il y'a une facilité (yusran)...", ce qui veut dire : dans la difficulté de la maladie, il y'a une facilité de ne pas jeûner; puis : "En vérité, avec la difficulté il y'a une facilité...)" ce qui veut dire : dans la difficulté du voyage, il y'a également la facilité de ne pas jeûner; "...Puis, quand tu en auras terminé..." avec la maladie et le voyage "...établis..." ton âme dans l'oeuvre d'adoration qu'est le jeûne, c'est à dire "accomplis-le !"; "...et dirige-toi ardemment vers ton Seigneur" pour demander Son aide.
à suivre...
source: Textes sur le jeûne (Ibn'Arabi)