mercredi 25 juillet 2012

Commentaire des versets relatifs au jeûne du mois de ramadan (Ibn'Arabi)

Allâh le Nom de DIEU

Ah ! Si l'homme pouvait entrevoir la Station depuis laquelle le Très-Haut le convoque au jeûne Lorsqu’Il dit : " O vous qui croyez..." (coran 2. 183-187), et que c'est Lui seul qui est ainsi convié par cet appel collectif. L'Envoyé d'Allâh - qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! - a dit en effet : "Il y'a une aumône à charge de chacune de vos phalanges"; il a établi par là une astreinte collective dans le chef d'un seul homme. S'il en est ainsi même pour ses veines (et les parties cachées de son corps) a fortiori en sera-t-il ainsi pour ses membres (et ses facultés) extérieurs : son ouïe, sa vue, sa langue, sa main, son ventre, son pied, son organe génital et son cœur  qui sont les principales composantes de son apparence. Tout membre est en réalité convié à un jeûne qui lui est propre et à une abstinence à l'égard de ce qui lui est interdit par Sa parole : "...le jeûne vous a été prescrit...", de sorte qu'il ne peut plus agir à sa guise. Allâh te convoque donc en ta qualité de croyant à partir de la Station de la Sagesse universelle pour que tu t'appliques à faire ce qu'Il demande avec la science de ce qu'Il veut de toi dans cette oeuvre d'adoration (qu'est le jeûne); c'est pourquoi Il dit : "le jeûne vous a été prescrit", c'est à dire l'abstinence de tout ce dont l'accomplissement ou le non-accomplissement vous a été interdit "... comme il a été prescrit à ceux qui étaient avant vous...", c'est à dire le jeûne comme tel, bien qu'il puisse s'agir aussi du jeûne du Ramadan proprement dit, comme le croient certains, compte tenu du fait que "ceux qui étaient avant vous" d'entre les Gens du Livre (juifs & chrétiens ) en ont augmenté la durée jusqu'à l'étendre à cinquante jours : c'est là une des choses qu'ils ont altérées. "Comme il a été prescrit", c'est à dire rendu obligatoire, "à ceux qui étaient avant vous" : ceux qui vous ont précédé dans ce statut (de jeûneurs), alors que vous êtes venus après eux. "...peut-être aurez-vous la crainte pieuse...", c'est à dire prendrez-vous le jeûne comme une protection; en effet, le prophète - sur lui la Grâce et la Paix ! - nous a appris que "le jeûne est un bouclier": c'est là la protection dont il est question dans ce verset. Vous ne le prenez comme protection que si vous en faites une oeuvre d'adoration; le jeûne appartient à DIEU par sa transcendance mais, en tant qu'oeuvre d'adoration, il est pour le serviteur un bouclier et une protection qui l'empêche d'émettre la moindre prétention à l'égard de ce qui appartient à Allâh et non à lui même : n'ayant pas de semblable, le jeûne appartient à Celui "qui n'a pas de semblable"; c'est à Allâh, et non à toi-même, que le jeûne appartient.


Il a dit ensuite : "...des jours comptés..."; "jours" vise sans aucun doute la première mention du terme kutiba ("a été prescrit") car nous ignorons ce qui a été prescrit à ceux qui étaient avant nous : leur a-t-il été prescrit un seul jour - c'est le cas de Ashûrâ - ou plusieurs (ayyâm) ? Ce qui nous a été prescrit à nous, c'est le jeûne d'un mois, et le mois ne peut compter que vingt-neuf ou trente jours, d'après le compte découlant de notre vision du croissant (hilâl). Or, (la forme du mot) "al-ayyân" (pluriel de yawn(jour) ), s'applique exclusivement aux nombres de 3 à 10. La lettre du Coran concorde donc parfaitement avec ce que nous a enseigné l'Envoyé d'Allâh - qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! - au sujet du nombre de jours du mois (de Ramadan); il a dit en effet : "le mois est comme ceci...", faisant un geste de la main signifiant "dix jours"; puis il a ajouté : "...et comme ceci...", c'est à dire encore dix jours, "...et comme ceci..." en laissant cette fois un pouce fermé, c'est à dire neuf jours. Si, la seconde fois, il n'a pas fermé son pouce, c'est pour signifier à nouveau dix jours.
En effet, le Très-Haut avait dit "des jours comptés"; le Législateur compta donc les jours du mois par dizaines de manière à ne pas invalider la mention (coranique) des "ayyâm", en conformité avec la Parole d'Allâh le Très-Haut. Il a agi ainsi autrement qu'il l'avait fait avec Aïcha (épouse du prophète) à propos de l'annulation du mariage (al-ilâ); il avait dit alors : "il se peut que le mois soit de vingt-neuf jours", et non "comme ceci et comme ceci" comme il le fit pour le mois de Ramadan. Ceci confirme qu'il a voulu s'exprimer en conformité avec  ce que le Très-Haut avait mentionné dans Son Livre.

Il a dit ensuite : "...Quand à celui d'entre vous est malade ou en voyage, (qu'il jeûne) un nombre d'autres jours (ayyâmin)...". Ici encore, Il a mentionné des "jours", tout en faisant allusion par (les mots) "d'entre vous" à ceux auxquels s'adressaient Son exhortation, c'est à dire ceux qui croient; "malade", c'est à dire empêché par DIEU; "ou en voyage" : ce sont les Gens du cheminement initiatique (sulûk) dans la Voie d'Allâh, les Stations (maqâmât) et les états spirituels (ahwâl). Le terme "safar" a son origine dans l'"isfâr", terme qui contient l'idée de rendre visible, manifeste (zuhûr). Il sert à désigner le voyage parce que celui-ci dévoile le caractère des hommes. C'est que la "Station" et l' "état" dévoilent aux initiés dans ce cheminement, c'est que l'action ne leur appartient pas, bien qu'ils l'accomplissent. Allâh est Lui le seul Agent ('âmil) en eux; c'est Sa Parole : " Tu n'as pas lancé quand tu as lancé, mais Allâh a lancé" (cor.8, 17); "un nombre d'autres jours", c'est à dire dans "le temps voilé" : ils sont "autres" pour que l'astreinte légale puisse trouver un support temporel qui les rende obligatoires. Cette question a été abordée précédemment; tu n'as qu'à te référer à ce que nous avons écrit (futûhât, vol.9, p.185-186).
Il a dit ensuite : "...et, à charge de ceux qui n'ont pas la capacité de jeûner, une compensation : la nourriture d'un pauvre. Celui qui, usant de sa liberté, accomplit un bien, cela un bien pour lui et que vous jeûniez est un bien pour vous : si vous savez !...", c'est à dire : celui qui a la capacité de jeûner, Nous lui avons donné le choix entre le jeûne et la nourriture (d'un pauvre). (Le Très-Haut) est donc , pour ce qui concerne celui qui est soumis à l'astreinte, d'un statut d'obligation déterminée à un statut d'obligation indéterminée, bien que le choix (du serviteur) soit limité. Allâh savait bien comment il se comporterait ! C'est pour cela qu'Il lui a laissé le choix : aucun des deux termes (de l'alternative) n'étant obligatoire par lui-même, celui que  (le serviteur) aura choisi l'aura été en vertu d'un libre choix puisqu'il aurait pu tout aussi bien choisir l'autre.
Cependant Allâh a rendu le jeûne préférable car il Lui appartient, de sorte que (l'homme) réalise l'Attribut de "jeûne" qui, parmi les modes d'adoration, "n'a pas de semblable". Si tu rétorques que le fait de nourrir est également un Attribut Divin car Il est "Celui qui donne la nourriture", nous répondons que cette idée eut été effectivement possible s'Il n'avait joint la faculté de nourrir (un pauvre) à l'idée de compensation en rattachant (grammaticalement, dans le texte coranique) la première à la seconde. (Il s'est donc exprimé) comme si celui qui est soumis à l'astreinte avait l'obligation de jeûner ! Or, tant selon les convenances que selon la réalité véritable, rien n'est obligatoire pour Allâh, à l'exception de ce qu'Il S'est rendu obligatoire à Lui-même :  celui qui est soumis à un statut d'obligation en est, en effet, le prisonnier et demeure sous sa puissance ! 
Ici, la compensation a été précisée : c'est le fait de nourrir. Allâh a donc eu en vue le jeûne et l'a établi comme un bien pour toi car il s'agit d'un Attribut qui lui est propre. Ne vois-tu pas qu'Il a dit aussi : "Et Nous l'avons exonéré au moyen d'une victime sublime" (cor.37, 107) : de l'emprise de la mort. " Si vous saviez" : sans doute la particule in a-t-elle ici un sens de négation; c'est à dire : "vous ne sauriez pas que le jeûne est meilleur que le fait de nourrir si Je ne vous l'avais pas appris". Il se peut aussi que le sens soit : "Si vous cherchez à savoir le meilleur terme du choix que Je vous ai laissé, Je vous l'apprends", c'est à dire les rangs respectifs du jeûne et du fait de nourrir.
Il a dit ensuite : "... Le jeûne de Ramadan...", de ce Nom Divin qui est "Ramadan", mois qu'Il a relié à Allâh le Très-Haut à partir de Son Nom "Ramadan", Nom étrange et singulier; "... dans lequel le Coran a été révélé...", c'est à dire : le Coran, c'est la synthèse. C'est pourquoi Il t'a uni à Lui dans l'attribut de "samadâniyya" qui est le jeûne. Par sa transcendance, celui-ci appartient à Allâh qui a dit : "le jeûne est à Moi"; en revanche, en tant qu'oeuvre d'adoration, c'est à toi qu'il appartient. "Comme une guidance" : c'est à dire un exposé évident; "pour les hommes" : à la mesure de leur capacité et de la compréhension qui leur a été donnée car chacun en possède, dans cette oeuvre d'adoration, une certaine part. "...et des indications évidentes..."; tout être à une évidence qui lui est propre, à la mesure de sa compréhension du discours Divin; "...tirées de la Guidance...", qui est l’Éclaircissement (total : tibyân) Divin (par réf. à cor.16,89), "ainsi que la Discrimination (Furqân)..." : après t'avoir uni à Lui par le "Coran", Il te "discrimine", afin que tu te distingues  de Lui au moyen du "Livre discriminateur", car si tu es "toi, toi", Il est "Lui, Lui" en application de ce qui a été dit, à savoir que tu fais usage d'une chose qui Lui appartient et qui est le jeûne. Celui-ci Lui appartient du point de vue de Sa transcendance alors qu'il est à toi en tant qu'oeuvre qui n'a pas de semblable. Le Seigneur est ainsi distingué du serviteur, après qu'ils ont été associés tous  deux dans le nom de "jeûne".


"... Celui d'entre vous qui a la vision du mois, qu'il jeûne...", c'est à dire : celui d'entre vous qui se trouve avoir une réputation (allusion au fait que la racine du mot shahr évoque avant tout l'idée de "notoriété".) auprès du commun des gens, qu'il jeûne à cet égard; qu'il restreigne son âme dans cette notoriété, qu'il la domine au moyen de l'abaissement et de la dépendance de sorte que sa joie soit  intense au moment de la rupture.
"... Celui qui est malade...", en état de déséquilibre car la maladie est un déséquilibre, ou d'emprisonnement car le malade est un prisonnier de DIEU, "... ou en voyage...", cheminant parmi les Noms Divin pour en connaître le "goût initiatique" (dhawq), ou encore allant de Lui vers les créatures, "... qu'il jeûne un nombre d'autres jours..." : des jours comptés, sans en ajouter et sans en retrancher. "... Allâh veut pour vous la facilité..." en vous exhortant à la douceur dans l'accomplissement de l'astreinte légale "... et Il ne veut pas pour vous la difficulté...", c'est à dire ce qui vous est pénible, confirmant par là cette autre Parole : " Il n'a pas mis de gêne à votre charge dans la religion" (cor.22, 79). En outre, Il a déterminé ici al-yusra au moyen de l'alif et du lâm (cor.94, 5-6), faisant allusion ainsi à la "facilité" mentionnée, cette fois en mode indéterminé, dans la Sourate "N'avons-nous pas ouvert ta poitrine"; C'est à dire : telle est la facilité que Je veux de vous, celle de la Parole : "En vérité, avec la difficulté, il y'a une facilité (yusran)...", ce qui veut dire : dans la difficulté de la maladie, il y'a une facilité de ne pas jeûner; puis : "En vérité, avec la difficulté il y'a une facilité...)" ce qui veut dire : dans la difficulté du voyage, il y'a également la facilité de ne pas jeûner; "...Puis, quand tu en auras terminé..." avec la maladie et le voyage "...établis..." ton âme dans l'oeuvre d'adoration qu'est le jeûne, c'est à dire "accomplis-le !"; "...et dirige-toi ardemment vers ton Seigneur" pour demander Son aide.
à suivre...
source: Textes sur le jeûne (Ibn'Arabi) 

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