vendredi 31 août 2012

De la Sagesse de la Prophétie dans le Verbe de Jésus (2ème partie) - Ibn'Arabi

... Toutes les existences sont " les Paroles de DIEU qui ne s'épuisent jamais" (1); car toutes ne  sont que la parole "sois !" (Kun) qui est le Verbe de DIEU. Or, faut-il croire que la Parole se rattache immédiatement à DIEU dans Son  état principiel ? S'il en est ainsi, il nous est impossible de connaître sa quiddité; ou bien, est-ce que DIEU "descend" vers la forme de celui qui dit : "sois", de sorte que cette parole "sois" est la réalité essentielle (al-haqîqah) de la forme vers laquelle DIEU "descend", ou dans laquelle Il Se manifeste. Certains connaissants de DIEU affirment la première chose, et d'autres la deuxième, et d'autres encore sont consternés par l’ambiguïté des aspects. Cette question ne peut être sondée que par l'intuition. Abu Yazîd qui souffla sur la fourmi qu'il avait tuée [par mégarde], et il la fit revivre, sut bien par qui il soufflait et que c'était par Lui qu'il soufflait; sa contemplation était christique.

Quant à la vivification par la connaissance, elle est la Vie Divine, essentielle, supérieure, lumineuse, dont DIEU dit [dans le Coran] : " ... ou bien celui qui était mort et que Nous avons vivifié, lui donnant une lumière par laquelle il marche parmi les gens..." (Coran VI, 122). Quiconque vivifie une âme morte par la vie de la connaissance dans n'importe quel domaine rattaché à la connaissance de DIEU, la vivifie vraiment, cette  connaissance particulière étant pour cette âme comme une lumière avec laquelle elle marche parmi les gens, c'est à dire entre ceux qui lui sont pareils par la forme.

Sans Lui [comme principe actif] et sans nous [comme réceptacles de Son acte] rien n'existerait, 
Je L'adore en vérité;
Et DIEU est notre Maître.
Mais je suis Lui-même ('aynuh)
Pour autant que tu considères [en moi] l'Homme [universel].

Ne te laisse donc pas aveugler par le voile de l'homme individuel,
Et il sera pour toi un symbole évident.
Sois à la fois DIEU [en ton essence] et créature [par ta forme],
Et tu seras par DIEU le dispensateur de Sa miséricorde.
Nourris Sa création par Lui.
Tu seras un "repos délivrant et un parfum de vie,"
[comme déterminations] nous Lui donnons ce par quoi Il se manifeste en nous;
Tandis que Lui nous donne l'Être
En sorte que l'Acte (al-amr) tient à la fois de Lui et de nous.
Celui qui connait par mon coeur, à l'heure où Il nous donne la vie, le vivifie [par la connaissance] (2).
Nous étions en Lui des existences, des déterminations et des relations de temps.
Cet état [de la contemplation de nos possibilités permanentes en DIEU] ne persiste pas en nous,
Mais c'est ce qui nous vivifia.

Ce que nous disions du Souffle spirituel agissant à travers la forme humaine terrestre se trouve corroboré par le fait que DIEU s'attribue Lui-même " l'Expir de Clémence" . Or, l'attribution d'une qualité entraîne nécessairement tout ce que comporte [le symbolisme de] cette qualité; dans le cas présent, tu sais bien ce que l'expir [animal] comporte [de caractères élémentaires, tels que le dilatement, la propagation, la production du son, etc.]. C'est pourquoi l'on dit que l'Expir Divin englobe toutes les formes du monde; en effet, il est pour elles comme la Materia prima, qui, elle, n'est autre que la détermination première de la Nature universelle. Les quatre éléments (3) ne sont que des formes, parmi d'autres, de toutes celles qu'elle contient; ce qui est au dessus des éléments et au-dessus de tout ce qui est constitué par les éléments fait également partie, en tant que "formes", de la Nature universelle; c'est à dire que non seulement les esprits et les essences des sept sphères célestes (4), mais aussi les "esprits supérieurs" sont issus de la Nature universelle; c'est à  cause de cela, d'ailleurs, que DIEU les décrit comme rivalisant les uns avec les autres; car la Nature comporte la polarisation; l'opposition des Noms Divin - qui sont les relations [universelles] - les uns aux autres vient précisément de " l'Expir de Clémence" ; tandis que l'Essence, qui ne subit pas cette condition [polarisante], est "indépendante des mondes". Quant au monde, il fut produit "dans la forme" de son principe manifestant, qui lui n'est autre que l'Expir Divin (5).

L'Expir Divin s' "élève" en vertu de la chaleur qui lui est inhérente, il "descend" en vertu du froid  et de l'humidité, et se "fixe" et se "solidifie" en vertu de la sécheresse. La "précipitation" [du monde grossier] vient donc du froid et de l'humidité [c'est à dire de ce qui correspond à ces qualités dans l'ordre universel]; ainsi que l'on peut la constater en médecine : pour administrer une médecine accélérant la digestion, le médecin attend jusqu'à ce qu'il observe une précipitation dans l'eau du malade, précipitation qui se produira par une prédominance, dans l'organisme, du froid et de l'humidité  naturels.

D'ailleurs, [la polarisation primordiale qui qualifie la Nature universelle se trouve symbolisée par le fait que DIEU] pétrit l'argile de l'homme "avec Ses deux mains" qui sont évidemment opposées l'une à l'autre; bien que chacune d'elles soit en un certain sens, comme on l'a dit, une "main droite", leur distinction est néanmoins réelle, ne serait-ce que parce qu'elles sont deux. Car la Nature, qui comporte l'opposition, n'est régie que par ce qui lui correspond. Du reste, c'est à cause de ce pétrissement par Ses deux mains que DIEU appela l'homme bashar (coran XV, 28), ce mot faisant allusion à la "tendresse" (almubâsharah) qui fut prodiguée à l'homme par les deux Mains Divines qui le façonnèrent; ce qui signifie une faveur Divine particulière pour le genre humain, car [selon le Coran] DIEU dit à celui qui refusa de se prosterner devant Adam : " Qu'est-ce qui t'empêche de te prosterner devant ce que J'ai créé avec Mes deux Mains ? Es-tu orgueilleux (envers celui qui est ton pareil), c'est à dire, qui est fait des éléments comme toi), ou es-tu un des êtres supérieurs (al'-âlîn) - qui, eux, dépassent le domaine des éléments, ce qui n'est pourtant pas  ton cas !" - Nous entendons donc par esprits supérieurs ceux qui, par leur essence et dans leur nature lumineuse, s'élèvent au-dessus des éléments, tout en dépendant de la Nature universelle. L'homme ne dépasse les autres espèces du domaine élémentaire que parce qu'il est "pétri" par les "deux Mains" Divines; c'est par cela que son espèce est plus noble que toute autre espèce formée des éléments sans ce double attouchement Divin [qui correspond à la nature "centrale" de l'homme]; c'est à dire que l'homme possède une dignité supérieure à celle des anges terrestres [dont font partie les génies] comme aussi des anges célestes [peuplant les sept sphères célestes, formées des modalités subtiles des éléments], tandis que les Anges supérieurs sont meilleurs que le genre humain. Selon le texte sacré [puisqu'ils ne durent pas se prosterner devant Adam].

Celui qui veut connaître l'Expir (nafas) Divin, qu'il considère le monde; car, [selon la parole du prophète] "celui qui connaît son âme (nafsahu), connaît son Seigneur" qui se manifeste en lui; j'entends que le monde se manifeste dans l'Expir du Clément, par lequel DIEU "dilata" (naffasa) les possibilités impliquées dans les Noms Divins, les soulageant (naffasa) pour ainsi dire de la contraction de leur état de non-manifestation; et ce faisant, Il fut généreux envers Lui-même par ce qu'Il manifeste en Lui-même; de sorte que c'est de ce côté-là que s'affirme la première action de l'Expir Divin. Par la suite, l'Acte Divin ne cesse pas de descendre graduellement par le "soulagement (tanfîs) des angoisses" (6) jusqu'à la dernière des manifestations.

Tout est contenu dans l'Expir Divin 
Comme le jour dans le crépuscule du matin.
La Connaissance transmise par démonstration 
est comme l'aube pour celui qui somnole;
De sorte qu'il voit ce que j'ai dit, comme un songe,
symbole de l'Expir Divin,
Qui, après les ténèbres, le soulage de toute détresse.
Il S'est jadis révélé à celui qui vint pour chercher un tison,
Et qui Le vit comme un feu, alors qu'Il est une lumière dans les rois [spirituels] et dans les "voyageurs".
Si tu comprends mes paroles, tu sais que tu as besoin [de la forme apparente] :
Si [Moïse] avait cherché autre chose [que du feu],
Il L'aurait vu en elle, et non pas inversement.

Quant aux paroles que Jésus répondit [selon le Coran] à certaine question  que DIEU lui posa (sous le même rapport qui Lui fait dire ailleurs : " Nous les éprouverons jusqu'à ce que Nous sachions",
- J'entends, comme s'il voulait savoir si telle chose que l'on attribuait à Jésus était vraiment arrivée ou non, et cela bien qu'Il le sût de toute éternité), en lui disant : " Est-ce que tu as dit aux gens qu'ils prennent toi et ta mère pour divinités à côté de DIEU ?" (7), il fallait bien que la réponse fût conforme au rapport et à l'aspect sous lesquels se révéla l'interlocuteur; or, la Sagesse exigeait, dans ce cas, que la réponse respectât la dualité essentiellement contenue dans l'Unité; et c'est pour cela que Jésus dit - exaltant d'abord DIEU au-dessus des formes et Le définissant en même temps par le pronom de la deuxième personne, qui indique la confrontation - : " Exalté sois-Tu, il n'est pas à moi " - c'est à dire, à mon ego, qui se distingue de Toi - " de dire ce qui n'est pas à moi selon la vérité" - de par mon identité ou par mon essence individuelle -, "si je l'ai dit, Tu l'as su"; - car c'est en réalité Toi qui parlas, et celui qui parle c'est ce qu'il dit; Tu es la langue par laquelle je parle; (comme nous l'apprit l'Envoyé de DIEU - sur lui la paix ! - en rapportant le message Divin : "... et je suis la langue par laquelle Il parle, etc.", DIEU S'identifiant ainsi essentiellement à la langue de l'élu qui parle, la parole venant de l'individu). Par suite, le serviteur saint [Jésus] dit en continuant sa réponse : " Tu sais ce qui est en moi", - et c'est [implicitement] DIEU qui parle, - " et moi je ne sais pas ce qui est en Toi"; - c'est à dire, je ne sais pas ce qui est dans le Soi : cette parole nie seulement la connaissance de l'aséité (al-huwiyah) comme telle [dans son infinité] et non pas en tant qu'elle est l'auteur des paroles et des actes [de Jésus]. " En vérité, c'est Toi [le connaissant des secrets] "; par le pronom Toi il souligna la distinction, DIEU seul [dans Son infinité] connaissant tous les secrets.
Emir  Abdelkader
C'est ainsi qu'il sépara [l'individu de Son Essence Divine] et unit [les deux, en disant : " Si je l'ai dit, Tu l'as su..."]; il affirma l'unicité de DIEU et la multiplicité [qu'elle implique]; il envisagea l'universel et le particulier en même temps.

Il dit en terminant sa réponse : " Je ne leur ai dit que ce que Tu m'as ordonné de leur dire"; il commença par la négation, faisant allusion à ce qu'il n'avait pas d'existence [propre]; ensuite, il compensa cette négation par son affirmation à l'égard de son interlocuteur; s'il n'avait pas agi de la sorte, c'est qu'il aurait ignoré les Vérités Divines - et loin de lui une telle ignorance ! - Il dit donc : " que ce Tu m'as ordonné", puisque c'est Toi qui parles avec ma langue, puisque Tu es ma langue même ! Remarque cette considération de la polarité spirituelle et Divine [de l'Acte Divin et de ce qui le reçoit]; que pourrait-il y avoir de plus subtil ! - " [Je ne leur ai dit que ce que Tu m'as ordonné de leur dire :] adorez DIEU "; il employa le nom de DIEU (Allâh) à cause des différents points de vue des adorateurs et à cause de la différence des cultes, ce nom [Allâh] comprenant tous les aspects Divins sans affirmer aucun d'eux en particulier; et il ajouta : " mon Seigneur et votre Seigneur", car il est certain que le rapport qui fait de la Divinité le seigneur de tel être manifesté est quelque chose d'exclusif; et c'est pour cela qu'il distingua entre "mon Seigneur" et "votre Seigneur par les pronoms respectifs. Par les paroles : "... que ce que Tu m'as ordonné" il se décrit comme celui qui subit l'Ordre (al-amr) , ce qui correspond à son état de serviteur [parfait], car personne ne reçoit d'ordres qui n'est pas censé les exécuter, même s'il n'arrive pas à la faire.

Puisque l'Ordre [ou l'Acte] Divin se révèle conformément à la hiérarchie de l'Essence, tout ce qui en apparaît à un degré quelconque de cette hiérarchie se colore selon la réalité propre de ce degré.
Le degré de ce qui subit l'Ordre [ou l'Acte] implique certaine condition qui apparaît en tout ce qui reçoit un ordre; de même, le degré de l'Ordre [ou de l'Acte] implique une condition apparaissant en tout ce qui ordonne [ou agit]. Ainsi, DIEU dit : " Accomplissez l'oraison !" En quoi Il est l'ordonnant, alors que l'obligé au culte reçoit l'ordre; d'autre part, l'adorateur dit : " Seigneur, pardonne-moi !" Et cette fois-ci c'est lui l'ordonnant, tandis que DIEU reçoit l'ordre. Or, ce que DIEU exige par son ordre de la part de l'adorateur n'est autre que ce que l'adorateur demande par son ordre de la part de DIEU; et c'est pour cela, d'ailleurs, que toute prière est exaucée, même si la réponse est retardée. De même, il arrive que certains adorateurs, qui ont reçu l'ordre Divin d'accomplir l'oraison à telle heure, la retardent et l'accomplissent à l'heure seulement où ils peuvent; dans ce cas également, l'obéissance à l'ordre est différée, bien qu'elle doive certainement avoir lieu [de la part de l'adorateur véritable], ne serait-ce que par la seule intention [d'accomplir le rite ordonné].

Par suite, Jésus dit : " J'étais leur témoin" - il ne s'implique pas lui-même, comme il le fit en disant : " mon Seigneur" et "votre Seigneur" - "Tant que je demeurai parmi eux"; car les prophètes sont les témoins de leurs communautés tant qu'ils y vivent : " mais lorsque Tu me recueillis", - c'est à dire, lorsque Tu m'élevas auprès de Toi et Tu me cachas d'eux et me les cachas, - " Tu étais leur observateur", - non plus à travers ma substance, mais dans leurs propres substances, puisque Tu étais leur propre regard intérieur qui les observa; car la conscience qu'a l'homme de lui-même est la conscience de DIEU à son égard. Jésus désigna DIEU par le nom d'observateur (ar-raqîb), après s'être désigné lui-même comme le témoin, pour marquer la différence entre lui et son Seigneur, afin que l'on sût qu'il se considérait lui-même comme serviteur et DIEU comme son propre Seigneur. Or, sache qu'à DIEU, l'Observateur, appartient aussi le nom que Jésus, selon sa parole : "j'étais leur témoin", s'attribue à lui-même, car Jésus dit aussi : " Et c'est Toi qui est le témoin de toutes choses"; il dit "chose" (shay') au sens d'une négation des négations, de sorte que l'expression "toutes choses" comprend absolument tout; et il employa le nom Divin Le Témoin en ce sens que DIEU contemple la réalité propre et essentielle de toutes choses. Par là, il indiqua que DIEU Lui-même était le Témoin de la communauté de Jésus, dont il avait dit : " j'étais leur témoin, tant que je demeurai parmi eux"; il s'agit du Témoin Divin dans la substance de Jésus, selon le sens du message Divin bien connu, qui affirme que DIEU est la langue et l'ouïe et la vue [de l'élu]. Puis il prononça une parole qui est à la fois de Jésus et de Mohammed; elle de Jésus, parce que c'est à lui qu'elle est attribuée par l'Ecriture Divine; et elle est de Mohammed parce que celui-ci la prononça en une certaine occasion et qu'il la  récita  une nuit entière, sans passer à autre chose, jusqu'au lever de l'aube : " Si Tu les châties, ils sont Tes serviteurs; et si Tu leur pardonnes, c'est Toi le Puissant, le Sage." Le pronom "ils", comme le pronom "lui", exprime l'absence actuelle de celui dont on parle; et dans ce cas, l'absence de ceux dont Jésus dit : " Si Tu les châties, etc." est comme le voile qui leur cacha DIEU. C'est ainsi que Jésus les rappelle à DIEU avant qu'ils ne paraissent devant Lui, pour que le levain ait agi sur leur pâte, à l'heure où ils paraîtront devant DIEU, et que la pâte [leur substance réceptive] soit alors devenue pareille au levain [leur conscience spirituelle]. En disant : " ils sont Tes serviteurs", il affirme que c'est DIEU seul qu'ils adoraient; en même temps, il démontre leur extrême état d'humiliation, car personne n'est plus humilié que le serviteur ou esclave (al-'abd) qui ne dispose pas de lui-même mais dépend entièrement de la loi que lui impose son Seigneur unique. En les appelant "Tes serviteurs" (ou esclaves), il exprime  l'exclusive Seigneurie [de DIEU sur eux]; or, le châtiment signifie humiliation; mais ils sont déjà humiliés à l'extrême parce qu'ils sont des esclaves; leur nature même implique l'humiliation; [c'est comme s'il disait :] Tu ne les humilies pas plus que par le fait qu'ils sont Tes esclaves. " Et si Tu leur pardonnes", - c'est à dire, si Tu les couvres et les protèges du châtiment qu'ils s'étaient attiré, - "c'est Toi le Puissant (al-'azîz)" - à savoir, le protecteur. (Lorsque DIEU confère ce nom al-'azîz [qui signifie aussi "l'aimé", "le cher", "le précieux"] à l'un de Ses serviteurs, DIEU devient Lui-même l'amant à l'égard de ce serviteur et le préserve de l'interférence du Nom Le Vengeur, d'où provient le châtiment.)

D'autre part, Jésus distingua la Divinité de la créature, récapitulant d'ailleurs cette distinction par des affirmations analogues, comme : " car c'est Toi le Connaissant des secrets", " c'est Toi qui était leur observateur...", et " c'est Toi le Puissant, le Sage".

La parole : " Si Tu les châties, etc.", devint, sur les lèvres du prophète, une demande instante, car il la répéta à Son Seigneur pendant toute une nuit, jusqu'au lever de l'aube, implorant une réponse. S'il avait entendu la réponse dès la première demande, il n'aurait pas insisté; mais DIEU lui montra au fur et à mesure les raisons pour lesquelles ils méritaient le châtiment, et le prophète Lui dit chaque fois : " Si Tu les châties ils sont Tes serviteurs; et si Tu leur pardonnes, c'est Toi le Puissant, le Sage"; s'il avait pu reconnaître vers quel côté penchait la décision Divine, il aurait demandé le pardon pour eux dans le sens indiqué; cependant, DIEU ne lui montra, conformément au verset cité, que leur dépendance du pardon Divin. Selon le dire du prophète, DIEU, lorsqu'Il aime la voix de Son serviteur qui Le prie, diffère l'exaucement de la prière, pour que le serviteur répète sa prière, et Il agit ainsi par amour et non pas parce qu'Il se serait détourné de lui. Pour cette raison, Jésus mentionna le nom : le Sage (al-hakîm) car ce nom désigne celui qui met chaque chose à sa place et ne reste pas indifférent à ce qu'exige la réalité de chaque chose en vertu de ses qualités [particulières]; le sage est donc celui qui connait l'ordre des choses.

En répétant ce verset du Coran, le prophète contemplait une connaissance immense que DIEU lui avait donnée; que quiconque récite ce verset en soit conscient, ou qu'il se taise ! Lorsque DIEU oblige quelqu'un à persister dans une prière, Il ne le fait qu'en vue de l'exaucer et de satisfaire son besoin. Que personne ne se relâche donc dans la prière qui lui fut assignée, mais qu'il persiste avec l'endurance qu'avait l'envoyé de DIEU en récitant ce verset, dans tous les états, jusqu'à ce qu'il entende la réponse avec son oreille ou avec son ouïe, - comme tu voudras, ou comme DIEU le lui fera comprendre. Si DIEU t'accorde la prière de la langue, Il te fera entendre Sa réponse par l'oreille; et s'Il t'accorde la prière de l'esprit, Il te fera entendre Sa réponse par ton ouïe.

source : La Sagesse des Prophètes - Ibn'Arabi








1. " Lorsque Je l'aurai formé et que J'aurai soufflé dans lui de Mon Esprit..." (Coran, XV, 59).

2. Ce verset peut aussi se traduire de la manière suivante : Celui qui Le reconnut par mon coeur, à l'heure où Il nous donna la vie, Lui prêta la vie individuelle.

3. Considérés comme quatre fondements "naturels" à la fois du monde subtil et du monde corporel.

4. Qui sont "élémentaires" parce qu'ils participent des modalités subtiles des quatre éléments.

5. Selon cette conception, la Nature universelle - ou l'Expir Divin - est analogue à ce que la doctrine hindoue désigne comme la Shatktî ou Mâyâ.

6. Selon la doctrine des Pères grecs, le monde fut créé "par le Fils (le Verbe) dans le Saint Esprit" qui, lui, est aussi appelé le "consolateur". 


7. " Et lorsque DIEU dit à Jésus : As-tu jamais dit aux hommes : Prenez moi et ma mère pour divinités en dehors de DIEU ? Il répondit : Exalté sois-Tu ! Il n'est pas à moi de dire ce que je n'ai pas le droit de dire [ou : ce qui n'est pas à moi selon la vérité]. Si je l'ai dit, Tu l'as su; Tu sais ce qui est en moi, et je ne sais pas ce qui est en Toi, car c'est Toi le Connaissant des secrets. Je ne leur ai dit que ce que Tu m'as ordonné de leur dire : Adorez DIEU, mon Seigneur et votre Seigneur. Tant que je demeurai parmi eux, j'étais leur témoin, mais lorsque Tu m'as recueilli chez Toi, Tu étais leur observateur, car Tu es le témoin de toutes choses. Si Tu les punis, ils sont Tes serviteurs; et si Tu leur pardonnes, Tu es le Puissant, le Sage. - DIEU dit : Ce jour-ci est un jour où les justes gagneront à leur justice; les jardins arrosés par des fleuves seront leur séjour perpétuel. DIEU sera satisfait d'eux et ils seront satisfaits de DIEU. Ceci est la béatitude immense" (coran V, 115-118). Il est à remarquer que l'expression "divinités en dehors en DIEU", au début de ce passage coranique, définit très exactement l'erreur qui, sans être justifié par la doctrine chrétienne, peut pratiquement s'introduire dans le culte  du "Fils de DIEU" et de la "Mère de DIEU". En raison de l'abus survenu dans le sein de la Chrétienté, le Coran affirme la transcendance Divine. Le symbolisme de la Theotokos est cependant implicitement affirmé dans le passage Coranique suivant : " Nous fîmes du fils de Marie et de sa mère [c'est à dire de la mère de Jésus] un symbole. Nous leur donnâmes comme demeure un lieu élevé, tranquille [ou : immuable] et abondant en sources" (Coran XXIII, 49). 


mardi 21 août 2012

De la Sagesse de la Prophétie dans le Verbe de Jésus (1ère partie) - Ibn'Arabi

Allâh le Nom de DIEU
L'Esprit (ar-rûh, c'est à dire le Christ) fut manifesté de l'eau de Marie et du souffle de Gabriel, sous la forme de l'homme fait d'argile,
Dans un corps épuré de la nature (corruptible), qu'il appelle "prison" (sijîn).
En sorte qu'il y demeure plus de mille ans (1). Un "esprit de DIEU (2), de nul autre : c'est pour cela qu'il ressuscitait les morts et créa l'oiseau d'argile. Sa relation envers son Seigneur est telle, qu'il agit par elle dans les mondes supérieurs et inférieurs. 
DIEU purifia son corps et l'éleva en esprit, et en fit le symbole de Son acte créateur (3). Sache que les esprits ont la vertu de communiquer la vie à tout ce qu'ils touchent. C'est pour cette raison qu'as-Sâmarî (dont il est dit dans le Coran qu'il fit le veau d'or qu'adorèrent les israélites en l'absence de Moïse), saisit de la poussière sur les traces  de l'envoyé (divin), qui était (l'archange) Gabriel; car as-Sâmarî connaissait cette vertu des esprits, et lorsqu'il apprit que l'envoyé était Gabriel, il sut  que la vie s'était communiquée à l'endroit qu'il avait frappé de  son pied; il y ramassa donc une prise de poussière (4) et la jeta dans le veau (d'or), qui "mugit' aussitôt à la façon des bovidés; - la statue aurait émis la voix de n'importe quel autre animal, y compris l'homme, si elle en avait eu la forme. - Ce pouvoir vient de la vie  infuse aux choses, vie qu'on appelle lâhût (nature divine), tandis que le récipient que l'esprit vivifie est appelé nâsût (nature humaine); et ce nâsût (qui comprend la forme corporelle) est à son tour considéré comme un esprit à cause de ce qui le maintient en existence.


Quant l' "Esprit fidèle" (ar-rûh al-âmin), qui est Gabriel, apparut à Marie "sous la forme d'un homme harmonieux), elle s'imagina que c'était un homme qui cherchait à la connaître charnellement, et sachant que cela n'était pas permis, elle "chercha refuge en DIEU contre lui" (5) de tout son être, et de ce fait, elle fut envahie par un état parfait de Présence Divine, état qui s'identifiait à l'esprit intellectuel (ar-rûh al-manâwî). Si Gabriel lui avait transmis son souffle à l'heure même, tant qu'elle se trouvait dans cet état, Jésus serait né tel que personne ne l'aurait pu supporter à cause de sa nature tranchante, conforme à l'état de sa mère lors de sa conception; Mais dès que Gabriel dit à Marie : " En vérité, je suis l'envoyé de ton Seigneur, et je suis venu pour te donner un fils pur" (6), elle se détendit de son état de contraction et sa poitrine s'élargit; et c'est alors que Gabriel lui insuffla [l'esprit de] Jésus. Gabriel - sur lui la paix ! - était donc le véhicule de la Parole Divine transmise à Marie, de la même manière que l'envoyé (ar-rasûl) transmet les paroles de DIEU à son peuple, selon la parole coranique : "[Jésus était] Sa parole qu'Il projeta sur Marie et esprit de Lui (cor IV, 170). Dès l'instant, le désir amoureux envahit Marie, de sorte que le corps de Jésus fut créé de la véritable "eau" (ou semence) de Marie et de l' "eau" (ou semence) purement imaginaire de Gabriel, transmise par l'humidité principiellement inhérente au souffle - car le souffle des êtres animés contient l’élément eau.
Ainsi le corps de Jésus fut constitué d' "eau" imaginaire et d' "eau" véritable, et il fut enfanté sous forme humaine à cause de sa mère et à cause de l'apparition de Gabriel sous forme d'homme; puisqu'il n'y a pas de génération dans cette espèce humaine en dehors de la loi commune (7).


De même, Jésus ressuscita les morts parce qu'il est Esprit Divin - DIEU seul donne la vie; tandis que le souffle [qui transmit la vie] était de Jésus; de même que le souffle inspiré à Marie était le souffle de Gabriel, tandis que le Verbe venait de DIEU. De ce fait, la ressuscitation des morts est vraiment une action de Jésus puisqu'elle émanait de son souffle, comme lui-même émanait de la forme de sa mère; d'autre part, ce n'est qu'en apparence que la ressuscitation fut opérée par lui, vu qu'elle est essentiellement un acte Divin. Jésus unissait en lui ces deux réalités, en vertu de sa constitution, dont nous disions qu'elle est issue à la fois d'une semence imaginaire [ou créée par le pouvoir de suggestion : al-wahm] et d'une semence réelle; en sorte que l'action de ressusciter les morts relève de lui d'une manière effective, d'autre part, et d'une manière supposée d'autre part. Selon le premier de ces aspects, il est dit de lui : "Il vivifie les morts (coran III, 48), et selon le deuxième aspect : "Il souffle en lui [c'est à dire, dans l'oiseau formé d'argile] et il devient un oiseau, par la permission de DIEU (cor III, 48), l'agent, dans ce cas, étant logiquement rattaché à l'expression : " par la permission de DIEU"; - c'est à dire que la transformation de l'oiseau d'argile en oiseau réel se fit par l'intervention de DIEU; cependant, l'on peut aussi rapporter la permission Divine à l'action de souffler et non pas à la transformation [de la forme d'argile] en oiseau, [dont l'âme spécifique] serait alors simplement due à la forme apparente [de l'objet qui reçut le souffle vivifiant]. Il en va de même pour la guérison de l'aveugle-né et du lépreux et pour toute autre action miraculeuse attribuée [selon le Coran] à Jésus d'une part, et à la permission de DIEU, d'autre part, permission rapportée à la première ou à la deuxième personne, selon les paroles coraniques : "par Ma permission" ou "par la permission de DIEU" (cor V, 110). Donc, si la permission de DIEU se rapporte à l'insufflement, l'oiseau fut créé, avec la permission Divine, par celui qui souffla dans [l'objet d'argile]. Par contre, si l'action de souffler ne dépend pas [directement] de la permission  Divine, c'est la transformation de l'oiseau [d'argile] en oiseau [réel] qui en dépendra, et l'agent de cette transformation est alors impliqué dans le terme : " il devient ". Si l'acte dont il s'agit ne comportait pas en lui-même quelque chose d'effectif et quelque chose d'imaginaire, l'évènement ne pourrait pas assumer indifféremment les deux aspects; et il en est ainsi parce que la constitution de Jésus comporte elle-même l'un et l'autre aspects.

Jésus manifesta de l'humilité jusqu'à ordonner à sa communauté qu'ils donnent la dîme en s'humiliant, et que si quelqu'un est frappé sur sa joue, il tende l'autre à celui qui l'a frappé et ne se révolte pas contre lui ni ne cherche vengeance. Ceci Jésus le tint du côté de sa mère, car c'est à  la femme de se soumettre tout naturellement, puisque la femme est légalement et physiquement sujette à l'homme. Son pouvoir vivifiant et guérissant, par contre lui parvint du souffle de Gabriel revêtu de forme humaine. C'est pour cela que Jésus put vivifier les morts tout en ayant la forme de l'homme. Si Gabriel n'était pas apparu [à Marie] sous forme humaine mais sous n'importe quelle autre forme sensible, animale, végétale ou minérale, Jésus n'aurait pas ressuscité des morts sans avoir, en ce moment-là, revêtu cette forme non humaine, et s'être manifesté en elle; de même, si Gabriel était apparu en une forme de lumière [spirituelle] exempte des éléments et des qualités sensibles - quoique comprise dans la Nature universelle (at-tabî'ah) , - Jésus n'aurait pas ressuscité des morts sans apparaître lui-même, lors de son action, dans cette forme de lumière suprasensible, tout en revêtant en même temps la forme humaine qu'il reçut du côté de sa mère.

A cause de cela [c'est à dire, à cause de son identification avec Gabriel, lors de l'action miraculeuse], on disait de lui, lorsqu'il ressuscitait les morts, que c'était lui et pourtant pas lui, et les spectateurs furent consternés en le regardant, de même que celui qui réfléchit sur cette action est consterné qu'une personne humaine vivifie les morts, alors que c'est une propriété Divine de vivifier les êtres doués de la parole - non pas les autres animaux [ceux-ci participant en quelque sorte de la vie de l'homme parfait]; le penseur est confus de voir une action Divine émanant d'une forme humaine. C'est ce qui poussa certains à postuler la "localisation" (hulûl) de DIEU [dans la nature humaine de Jésus], et d'autres à dire que Jésus était DIEU en tant qu'il ressuscitait  les morts, et pour cela le Coran leur attribue le kufr (la mécréance), mot qui signifie littéralement le voile (sitr), parce qu'ils "voilent' DIEU qui, Lui, ressuscite réellement  les morts, par la forme humaine de Jésus. DIEU dit [dans le Coran] : " Ceux-là sont mécroyants qui dirent : en vérité, DIEU est Lui-même le Messie, fils de Marie" (cor V, 19), car ils cumulèrent la déviation et la mécréance dans leur affirmation, non pas parce qu'ils disaient que le Messie était DIEU, ni en le nommant le fils de Marie, mais puisqu'ils identifiaient DIEU, en tant qu'Il vivifie les morts, avec la forme humaine terrestre désignée expressément comme le fils de Marie. Certes, Jésus était le fils de Marie; et celui qui entend la phrase dont il s'agit pourrait croire qu'ils attribuaient la Nature Divine (al-ulûhiyah) à la forme de Jésus en ce sens que la Divinité est l'essence de cette forme; mais il n'en est rien, puisqu'ils firent de l'Ipséité (al-huwiyah) Divine le sujet de la forme humaine désignée comme le fils de Marie [par l'expression : " DIEU est Lui-même, etc."]; ils distinguaient donc la forme [humaine] comme telle d'avec le principe [dont elle est une manifestation] et n'identifiaient pas la forme [Christique] essentiellement à ce principe [qui se manifeste par la vivification des morts] (8), de même que l'on distingue la forme humaine que revêtit Gabriel d'avec le souffle qu'il inspira à Marie; car bien que le souffle émane de cette forme, il n'en découle pas essentiellement.

De ce fait, les différentes communautés religieuses se contredirent au sujet de l'identité de Jésus - sur lui la paix ! - Certains, le considérant en vertu de sa forme humaine terrestre, affirmaient qu'il était le fils de Marie (9); d'autres, envisageant en lui la forme apparemment humaine, le rattachaient à Gabriel; et d'autres encore, en raison de ce que la vivification des morts émanait de lui, le rattachaient à DIEU par l'Esprit, disant de lui qu'il était l'Esprit de DIEU, à savoir que c'est lui qui communiquait la vie à celui recevait son souffle. Ainsi, à tour de rôle, l'on suppose en lui ou DIEU ou l'Ange ou la nature humaine; de sorte qu'il est pour chaque spectateur ce qui s'impose à ce spectateur : il est le Verbe de DIEU, il est l'Esprit de DIEU, et il est le serviteur [c'est à dire la créature] de DIEU. C'est là quelque chose qui n'a lieu pour aucun autre homme, en tant qu'on considère sa forme apparente. Car toute personne se rattache naturellement à son père formel et non pas à celui qui insuffla son esprit à la forme humaine. Car lorsque DIEU "forme", comme Il le dit, le corps humain, et qu'Il y "souffle" ensuite de Son Esprit (10), cet Esprit se rattache, de par son existence comme de par son essence, à DIEU seul. Or, pour Jésus,  il n' en est pas ainsi, la préparation de son corps et de sa forme étant impliquée dans le souffle spirituel [que Gabriel projeta sur Marie]. Tel n'est pas le cas pour les autres êtres humains, [mais la préparation du corps précède l'inspiration de l'esprit], comme nous venons de le dire.
à suivre
source : La Sagesse des Prophètes (Ibn'Arabi)





1. C'est à dire le temps écoulé depuis l’ascension du Christ jusqu'au moment où ces lignes ont été écrites; il y demeurera jusqu'à sa "redescente"  à la fin du cycle.

2. "... Le Messie, Jésus, fils de Marie, est l'envoyé de DIEU et son verbe qu'Il projeta sur Marie, et esprit de Lui..." (coran IV, 170).

3. Puisque le Christ ressuscita des morts.

4. " [Moïse dit] : Et toi, ô as-Sâmarî ! quel a été ton dessein ? Il répondit : j'ai vu ce qu'ils ne voyaient pas. J'ai pris une poignée de poussière sur les traces de l'envoyé et je l'ai jetée  dans le veau fondu; mon âme m'avait suggéré cela" (coran XX, 96).


5. "... Nous envoyâmes vers elle notre Esprit, et il revêtit pour elle la forme d'un homme harmonieux. Elle dit : Je cherche refuge en DIEU contre toi; si tu Le crains..." (coran XIX, 17-18).


6. " Il répondit : Je suis l'envoyé de ton Seigneur, et je suis venu pour te donner un fils pur. - Comment, répondit-elle, aurais-je un fils ? Car aucun homme ne m'a touchée, et je ne suis pas transgressante. Il répondit : C'est ainsi que dit ton Seigneur : Ceci est facile pour Moi. Il sera Notre symbole pour les hommes, et une miséricorde de Notre part. L'arrêt est prononcé..." (coran XIX, 19-21)


7. C'est à dire que le miracle n'abolit pas l'ordre naturel mais le résume incidemment dans son principe supérieur; ici, la puissance spirituelle de Gabriel résume l'ordre corporel dans son principe subtil, sans que la polarité de la génération spécifique soit par là détruite. - Toute cette explication cosmologique de la conception de Jésus n'est pas donné dans le but de relativiser l'Intervention Divine; elle doit faire comprendre la constitution même du Christ, le rapport exceptionnel qui relie son élément "paternel" à sa substance "maternelle", ainsi que le démontre la suite du texte.


8. C'est à dire, ils définissaient la forme de Jésus comme forme humaine terrestre, par les mots : "fils de Marie", tout en identifiant DIEU à cette forme. Il s'agit évidemment de la confusion des deux natures, Divine et humaine, du Christ.


9. Ibn'Arabi ne considère pas Marie sous son aspect de Theotikos "Mère de DIEU"; cette expression même serait tout à fait inintelligible du point de vue de l'Islam, qui distingue toujours nettement entre le créé et l'incréé; l'idée du " DIEU manifesté", au sens direct et "concret" de ce terme, se retrouve cependant dans le soufisme, à savoir dans l'identification du Nom de DIEU à DIEU-même.


10. " Lorsque Je l'aurai formé et que J'aurai soufflé dans lui Mon Esprit..." (coran XV, 29).

samedi 11 août 2012

LE JEÛNE DES CONNAISSANTS PAR ALLÂH - Ibn'Arabi

Parmi les Saints (awliyâ), il y'a aussi les jeûneurs et les jeûneuses : qu'Allâh soit satisfait d'eux ! Il les prend en charge au moyen de l'abstinence qui leur donne en héritage une élévation auprès d'Allâh le Très-Haut à l'égard de toute chose dont le Droit Divin leur a ordonné d'écarter leurs âmes et leurs membres, de manière obligatoire ou recommandée. Quant à la Parole du Très-Haut adressée à cette catégorie "... ensuite parachevez le jeûne jusqu'à la nuit" (cor. 2, 187), elle indique

le terme ultime du temps de l'abstinence dans le monde visible, c'est à dire le "jour".
En effet, la nuit est véritablement le symbole du mystère (ghayb). Lorsqu'ils atteignent le degré correspondant au monde du  mystère représenté par la nuit, l'abstinence n'a plus de raison d'être : qu'il s'agisse de l'âme ou des membres, elle s'applique uniquement à ce qui est interdit dans le monde visible. Le monde du mystère est pur commandement : il ne s'accompagne d'aucune défense, d'où son nom de "monde du Commandement" ('âlam al-Amr). Il est aussi pur Intellect : ceux qui l'habitent ne sont pas soumis à l'interdiction que comporte l'astreinte car ils sont dépourvus de passions. Ils sont tels qu'Allâh les décrit dans son Livre Incomparable ('azîz), lorsqu'Il les loue en disant : "Ils ne s'opposent pas à ce qu'Allâh leur commande et ils accomplissent ce qui leur est ordonné" (cor. 66, 6); Il n'a mentionné ici aucune interdiction, car cela serait contraire à leur nature véritable.


Un derviche

Lorsque l'home jeûne et passe de sa condition individuelle au règne de l'Intellect, cela signifie que son "jour" a été accompli jusqu'au bout et qu'il n'y a plus pour lui ni abstinence ni interdiction; que, par son intellect, il a rejoint le monde du Commandement dont toutes les passions sont absentes car il  est lui-même pur Intellect. Considère ici sa parole - qu'Allâh répande sur lui Sa Grâce unitive et Sa Paix ! - : "Lorsque la nuit s'avance par ici, que le jour s'en va par là et que le soleil s'est couché, en vérité le jeûneur a rompu son jeûne" (1). Il faut comprendre en effet : "... et que le soleil a disparu du monde visible pour s'élever à l'horizon de son intellect, le jeûneur a rompu son jeûne", c'est à dire : il n'a plus à pratiquer l'abstinence, et la prohibition n'a plus de sens pour lui car son intellect ne se nourrit aucunement de ce dont DIEU lui a ordonné de s'abstenir et qui correspond à la satisfaction de nature individuelle. Sache-le donc : lorsqu'il atteint ce degré, l' "exaltation" Divine le libère du pouvoir de sa nature individuelle tout comme la Théophanie le libère de sa réflexion car celle-ci est elle-même soumise au pouvoir de sa nature élémentaire et individuelle; c'est pourquoi l'Ange ne "réfléchit" pas.

Si l'homme est doué de faculté réflexive, c'est parce qu'il est composé à la fois d'une nature élémentaire et d'un intellect. Or, l'Intellect est par lui-même un support théophanique; il échappe à la bassesse de la réflexion naturelle alors que cette dernière a pour compagne l'imagination qui se nourrit de sensations en provenance du monde sensible.

Le poète a dit :


Lorsque le serviteur s'abstient de tout autre que Lui,

le jour "jeûne" et s'éloigne,
c'est à dire qu'il s’élève et atteint son zénith. Celui qui, par son abstinence, n'atteint pas cette exaltation n'est pas ce jeûneur que nous requérons, celui que nous appelons de ce nom : ce jeûne est, en effet, celui des Connaissants  par Allâh, qui sont les Gens d'Allâh.

source : Textes sur le jeûne (Ibn'Arabi)




1. Le Nom Divin al-Fâtir opère la rupture du jeûne au moment du coucher du soleil; peu importe que le jeûneur prenne alors, ou non, de la nourriture.